
Une carte est à la fois point de départ, destin, passage. Mais elle aussi un acte de la conscience, un acte de perception, souligne Daniel Canty. Écrivain, poète, réalisateur, scénariste et dramaturge, Monsieur Canty a participé à la soirée organisée jeudi dernier au Virage autour de trois courtes conférences sur la cartographie imaginaire.
Daniel Canty pense la carte comme un élément de désir, « une aventure à table rase » qui nous permet de représenter ce qu’on veut. « Les évidences du présent ne sont pas suffisantes. Suggérer une réalité, même incomplète, c’est peut-être aussi le germe d’une rénovation plus profonde de la réalité », dit-il, qui enseigne l’écriture à l’École nationale de théâtre et le design d’événements à l’Université du Québec à Montréal.
Il nous a montré des cartes qui déforment les lignes, qui exagèrent les échelles, des cartes improbables allant jusqu’à donner les coordonnés des états d’âme de l’explorateur urbain. Ces inventions ne cherchent pas à exposer le parcours idéal entre le point A et le point B, le dessein n’est pas de ratifier la réalité matérielle entre deux positions dans l’espace. C’est la finalité même de la carte qu’on veut ébranler.

« Je pense que la conquête de l’inutile, ponctue Canty, c’est un acte humain fondamental. Investir un territoire réel d’une lueur imaginaire, c’est aussi retrouver ce lieu, puis retenter de l’inventer à partir de ce qu’il est. »
Chaque détail compte
L’apparente inutilité plane aussi sur le concept du site collaboratif OpenStreetMap. L’idée a été lancée en 2004 en Angleterre afin de démocratiser l’accès à des données de géolocalisation et elle est devenue globale depuis. « Ce qu’on va faire avec les données après, je ne sais pas ! », lance Pierre Choffet, l’un des responsables du volet montréalais.

Il explique que l’OpeenStreetMap n’est pas une carte, mais plutôt une base de données géographiques à laquelle tout le monde peut contribuer – d’ailleurs, on organise une fois par mois des activités de groupe où tous sont invités à répertorier la ville.
La mentalité, c’est : tout est cartographiable. Alors, on tente de recueillir des données sur tout ce que l’on trouve sur le terrain. « Ça ne s’achève jamais ! », reconnaît Monsieur Choffet. Des lampadaires, des fontaines, des jeux d’enfants… « Je peux cartographier des poubelles, par exemple. Si aujourd’hui ça ne semble pas soulever beaucoup d’intérêt, peut-être qu’un jour quelqu’un voudra faire une étude ou un travail statistique sur ça, eh bien, il aura des données », affirme-t-il.
Combler le vide
Là où Pierre Choffet et d’autres passionnés de la cartographie n’auraient peut-être pas grand-chose à repérer, c’est le moment où Claudia Atomei entre en action. Elle travaille à l’organisme Lande MTL, qui se penche sur la réappropriation des terrains vacants à Montréal.

Le but de l’organisme est de transformer ces espaces vides en terrain propice à des projets collectifs qui représentent un intérêt pour la communauté, comme des jardins collectifs, des parcs pour enfants ou des espaces verts.
Lande MTL n’achète ni ne loue des terrains. Il les négocie. Madame Atomei confesse que les négociations avec les propriétaires privés ne sont pas toujours couronnées de succès, raison pour laquelle on dirige les efforts vers les propriétés du domaine public. En fait, l’organisme aide la communauté à se mobiliser et à se familiariser avec les démarches légales qui doivent être entreprises dans une telle transformation.
Lancement de projet

Pendant la soirée, l’urbanologue, architecte et paysagiste Jonathan Cha, chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal et cofondateur de l’organisme MTL / ville en mouvement, a fait le lancement du projet Cartographie de l’imaginaire – Lieu / Non lieux. Le projet veut encourager de professionnels du design, des artistes ou quiconque intéressé, à créer une carte de la région qui a auparavant accueilli l’ancienne gare de triage Outremont et qui est aujourd’hui le chantier du campus MIL de l’Université de Montréal.
Monsieur Cha a présenté plusieurs styles de cartes qui ne prétendent pas la représentation traditionnelle de l’espace, justement parce que le projet vise justement à explorer le rapport au lieu perçu comme « un territoire à inventer ». Les cartes produites seront affichées dans neuf établissements commerciaux des trois quartiers de ce secteur de la ville (Parc-Extension, Outremont et Rosemont—La Petite-Patrie). Consultez ci-dessous la fiche complète du projet.
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